Le mythe tenace de la folk society en histoire du Québec
Jacques Rouillard« La représentation qui imprègne encore la mémoire collective des Québécois voulant que l'histoire du Québec d'avant la Révolution tranquille se soit déroulée en mode survivance sous le signe du conservatisme clérical est tenace. Le Québec accuserait ainsi un retard sur les autres sociétés industrielles depuis le XIXe siècle, ce qui expliquerait l'infériorité et l'impuissance des francophones jusqu'à leur réveil brutal en 1960. Cette construction de l'histoire du Canada français est portée par des sociologues, historiens et intellectuels dans les années 1950 et 1960. En se montrant réfractaire depuis longtemps au progrès et à la modernité, le Canada français serait un bon exemple de folk society. La gouvernance de l'Union nationale sous Maurice Duplessis serait l'incarnation de ce conservatisme politique et social. Dans les années 1970 et 1980, cette représentation du passé a été remis en question par de nombreux historiens qui réfute l'image d'un Québec francophone monolithique baignant dans le conservatisme clérical. Cet éclairage est loin de faire l'unanimité chez les historiens. L'insistance à dévaluer sans ménagement l'histoire du Québec affecte la psychologie collective des francophones alors que les sociétés avoisinantes portent fièrement leur passé. Comme l'histoire est l'un des fondements de l'identité collective, la propension à discréditer son passé se traduit par un manque de fierté et d'assurance collective. »--